Par Anaïs JACOBS, Psychologue clinicienne au DITEP
La médiation « Jeux de rôle » au sein du service D.I.T.E.P., est un dispositif à visée thérapeutique qui s’appuie à la fois sur les potentialités du groupe et sur le processus de création inhérent au jeu. Le groupe est composé de 4 enfants d’une moyenne d’âge de 10 ans et de deux animatrices : une éducatrice et une psychologue clinicienne.
Il s’agit, pour les enfants, de vivre des expériences, en les guidant vers un savoir-faire expérientiel du corps. Au cours du jeu, tout peut être joué : des émotions, des personnages, des animaux, des objets… dans divers lieux ; une maison, une école, une forêt, un pays imaginaire. À chaque histoire jouée, il s’agit de faire « comme si » : dans le jeu de rôle, la réalité est plus souple, plus ailée. Les choix et les décisions prises ont moins d’importance, « c’est pour de faux ». Il est alors plus facile pour les enfants de lâcher prise. Dans cet espace, le jeu commun favorise le phénomène de la rencontre, où la rencontre de l’autre est aussi rencontre de soi.
Pour ces jeunes accueillis qui présentent des troubles du comportement et du caractère, la médiation permet de découvrir, au cours du jeu, de nouvelles modalités d’être et de les ramener ensuite avec soi lors du retour dans la quotidienneté. En effet, certains comportements et attitudes sont souvent « automatisés », « répétitifs », résultant de moyens qu’ils ont eux-mêmes trouvés pour se défendre et s’inscrire dans le monde. La médiation permet, par l’apparition d’évènements non prévisibles et portés par un cadre précis et bienveillant, de contacter la spontanéité créatrice. Cette médiation s’inspire du psychodrame et comporte plusieurs règles, dont l’objectif visé est aussi, pour tout un chacun, de savoir les respecter.
La séance est rythmée par différents temps :
– D’abord, un petit temps d’échauffement, co-créé avec les enfants face à leurs difficultés à pouvoir se poser, se canaliser. Ce temps est constitué d’exercices qui vont mettre en train la mise en mouvement dans l’espace et l’écoute de l’autre.
– Suite au temps d’échauffement, nous retournons dans la zone propre au jeu : nous nous asseyons sur les chaises positionnées en demi-cercle face à l’espace qui servira de scène. Vient alors la première règle de restitution : l’animatrice demande si les participants ont pensé, agi ou rêvé en rapport avec la dernière séance. Suite à ces échanges, elle demande qui a une idée de jeu à jouer aujourd’hui. Des cartes avec des images peuvent aider les plus jeunes à trouver une idée.
– Vient ensuite le temps du jeu : un protagoniste est invité sur scène pour jouer son idée. Avec l’aide de l’animatrice, il décrit précisément le décor, les personnages. L’enfant distribue les rôles dont il a besoin pour son idée de jeu : il choisit qui va venir jouer telle personne, tel objet, telle émotion. Lorsque le jeu commence, des lignes directrices ont été convenues mais l’improvisation prend une place importante. L’animatrice « vit » le jeu dans sa tonalité singulière et l’aiguille dans une direction ou une autre qui lui semble, dans l’ici et maintenant, pertinente à explorer.
– Lorsqu’elle indique la fin du jeu, tous les participants se rassoient pour le deuxième temps de restitution : nous échangeons sur ce que nous avons pensé et ressenti. C’est un moment important pour réinjecter des mots, du sens et du symbolique sur ce qui vient d’être vécu via le sentir et le corps. Cela permet au sujet d’acquérir de nouvelles représentations mentales en lien avec la façon qu’il a d’explorer son rapport soi-monde-autrui.
Nous observons souvent des enfants étonnés par la façon dont ils ont incarné le rôle, par la nouvelle modalité d’être qu’ils ont contacté, par les interactions nouvelles rencontrées. La parole est aussi plus facilement libérée. En effet, la situation jouée active des sensations, des émotions, qui ouvrent l’accès aux mots. Chez ce profil d’enfants, il est souvent difficile d’accéder à une parole pour exprimer le vécu émotionnel. Le monde interne vient plus souvent se manifester au travers d’actes venant dire, mais ces actes perturbent les capacités de socialisation.
L’ambition aujourd’hui est donc d’ouvrir cette médiation à un nouveau groupe d’enfants, plus jeunes, d’une moyenne d’âge de 8 ans, afin de leur permettre à eux aussi de trouver en eux les ressources pour vivre des interactions plus fluides et authentiques.